Introduction
Si notre ressenti est étroitement lié à notre histoire personnelle, à nos capacités à gérer les situations nouvelles et à notre environnement de manière général, le dénominateur commun entre tous les êtres humains reste ce que nous pourrions appeler le système émotionnel. Si la définition d’une émotion peut paraître simple de prime abord, il n’en reste pas moins vrai que celle-ci fait intervenir un ressenti, des automatismes innées et acquis ainsi que des comportements spécifiques.
Nous avons grandit et continuons d’élever nos enfants dans un univers de “contrôle” de ses émotions, tout en interrogeant l’efficacité d’une telle démarche. Trop souvent, les idées se confrontent entre “tout contrôler” et “exprimer librement”, sans trouver d’équilibre acceptable.
L’image sociale
Le premier frein dans le rapport aux émotions est fortement ancré par notre attachement à une image sociale. Dans ce domaine, nos vies personnelles et vies professionnelles ne sont pas logées à la même enseigne. S’il peut être jugé acceptable de laisser libre court à l’expression de ses émotions dans l’intimité du foyer, il s’avère bien souvent inacceptable de “perdre le contrôle” et d’exprimer de manière trop brute son ressenti en entreprise.
La faute à notre image sociale, qui est beaucoup plus policée et normalisée dans le monde du travail. La peur du jugement de nos pairs nous freinent dans la communication de nos émotions.
Malheureusement, notre capacité à “retenir” nos émotions n’est pas inépuisable et bien souvent, le débordement aura lieu dans nos vies personnelles car notre réservoir émotionnel aura été saturé voire submergé auparavant.
Un regard scientifique
Avant d’aller plus loin, il est intéressant de noter certains éléments scientifiques constitutif de notre système émotionnel. Le système limbique correspond à toutes les structures de notre cerveau qui font intervenir la perception des émotions, nos comportements et réactions et même notre mémoire.
Si nous simplifions le processus qui se met en marche lorsque notre cerveau perçoit des émotions, nous pouvons retenir les grandes phases suivantes :
- Un stimulus (évènement, situation, perception) a lieu dans un contexte donné
- La Thalamus traite cette information qu’il transmet à l’amygdale puis au néocortex
- L’Amygdale associe l’information à un type et un niveau d’émotion
- Le Néocortex analyse la situation et évalue les possibilités
- Un comportement est mis en marche : vous entrez en action
Si l’amygdale estime que l’émotion est limitée, l’action n’a pas lieu avant la prise en charge du néocortex qui perçoit le message légèrement en retard. Si l’amygdale estime que l’émotion est trop forte (stimulus extrême ou saturation par accumulation) celle-ci déconnecte le néocortex et lance une action, ou une réaction. Dans ce dernier cas de figure, vous “perdez le contrôle” et “réagissez” fortement.
L’amygdale correspond à notre système d’urgence, celui qui assure notre survie en cas de danger. Malheureusement elle peut pécher par excès de zèle, par saturation ou mésinterprétation d’une situation.
Les réactions à une émotion se fait évidemment via tout un mécanisme physiologique :
- Accélération du rythme cardiaque
- Sudation
- Contraction de muscles choisis
- Etc.
S’il fallait ne retenir qu’un élément de ce bref état des lieux, ce serait qu’il semble évident que nos émotions font partie intégrante de nos processus mentaux et que ces mécanismes ne sont pas “contrôlables”. En effet, lorsque l’amygdale effectue un coup d’état émotionnel, l’individu n’est plus en mesure d’objectiver son comportement jusqu’à ce qu’il “reprenne la main”. En un mot, lorsque l’amygdale prend la main, il est trop tard, inutile de tenter de “raisonner” le mécanisme. L’unique solution est de le recevoir, le prendre en considération.
Parmi les options pour brancher à nouveau son néocortex, nous pouvons relever (outre la patience) :
- l’activité physique (4 minutes peuvent suffire)
- la respiration en pleine conscience (ou presque)
- toute autre activité permettant de se concentrer sur un élément intérieur physique ou un élément extérieur ne nécessitant pas de réflexion rationnelle.
Une démarche positive
Forts de ces constats, il convient donc d’adopter une démarche positive dans la perception des émotions :
- Apprendre à (re)connaître les effets physiques des émotions sur soi et les autres
- Traiter les émotions au fur et à mesure pour éviter les effets de saturation
- Gérer les “putchs” de nos amygdales
- Mieux communiquer nos émotions
Et pour finir, ajoutons que “mieux communiquer” inclut le fond mais également la forme ainsi que le timing : communiquer des éléments pertinents, de la bonne manière et au bon moment.
Vers la résolution de conflits
Sans proposer une méthode de résolution de conflits complète, nous pouvons relever l’enjeu que représente l’émotion dans un conflit. Bien souvent, c’est l’absence de verbalisation pertinente de l’émotion qui rend difficile la résolution de conflits, en particulier par la recherche d’un compromis.
J’ai eu la chance de tester des exercices relatifs aux émotions durant des ateliers d’improvisation théâtrale avec des managers. Un des exercices consiste en la simulation d’une situation conflictuelle que l’on rejoue plusieurs fois en augmentant la force du ressenti de notre émotion principale. Étonnement, le résultat des versions où les émotions sont plus fortement exprimées, représente les solutions les plus pertinentes. Les solutions ou pistes de solutions sont également plus rapidement atteinte sur ces même versions. Nous pouvons donc conclure que l’expression “vraie” de nos émotions sont un support pour la résolution de certains conflits.